James Crumley est un de ces autres auteurs de romans noirs qui, à l'image des bluesmen du sud profond, ont eu une vie faite de détours avant de pouvoir laisser éclater leur talent au grand jour. James Crumley tarda à trouver l'équilibre à Missoula en tant que professeur d'université et, ensuite, de longues années de travail avant de publier peu de romans, bien que depuis les années 90 sa production soit plus régulière. Ecrivain sudiste comme son contemporain James Lee Burke, Crumley a une prédilection pour les personnages déstabilisés et perdus qui cherchent en vain à retrouver leurs rêves de jeunesse, celui qui, durant la guerre du Vietnam, espérait changer le monde et qui arrivé à l'aube du 21e siècle n'a plus que ses souvenirs et peu de terre autour de la carlingue de son "cad".
James Crumley pourrait prendre à son compte l'adage de Manchette comme quoi un polar doit être avant tout une critique sociale. Ce roman est une attaque virulente contre l'état du Texas et ses élites pétrolières et politiques. En point de mire il pointe la famille Bush et ses tares. Mais réussi t'on un roman uniquement avec des critiques, mêmes justifiées contre un establishment quelqu'il soit? La réponse est : non.
Avis sur La contrée finale
Le roman est marqué par un style abrupt et direct, qui n'a pas peur d'être vulgaire et cru, cette crudité est lassante à force d'être répétitive. Certes Crumley se refuse à entrer dans le cercle des auteurs bien pensants, mais le cynisme et l'humour noir sont une chose et la vulgarité une autre. Je m'attendais à mieux de la part de l'écrivain texan. La succession de situations sorties tout droit d'un four, mal dégrossies, à l'emporte pièce, comme si c'étaient des pièces rapportées et non une suite de faits à relier entre eux, donne une désagréable impression de collage qui s'en va à vaux l'eau.
Je n'ai pas ressenti d'unité dans ce roman. Il n'y a clairement pas eu de plan. Non que j'attendais de Crumley un montage à la Ludlum mais, même si je suis de l'avis de Westlake, il y avait un arrière goût d'improvisation trop prononcé dans les pages que je viens de lire. Tout cela n'a ni queue ni tête et je n'ai été que très partiellement convaincu par une histoire dont on trouverait de meilleurs expressions chez d'autres écrivains : Willeford pour n'en citer qu'un. Et ce n'est pas la fin, bien que terriblement mélancolique, et que j'ai appréciée, qui a réussi à rattraper ma déception. Je n'aime pas descendre en flammes un artiste mais quand j'ai été déçu comme cela a été le cas j'ai du mal à voiler mes sentiments. Il y a des lecteurs qui auront une autre appréciation de ce roman et c'est tant mieux...
La contrée finale de James Crumley (Gallimard/Folio policier, 2004, 416 pages)