Un Académicien qui s’essaye au journal intime politique, ce n’est pas banal ; Surtout parce que l’on se rend soudainement compte que certains d’entre eux font totalement partie, comme nous, du monde des vivants – Et ne sont pas conservés dans le formol de leur nostalgie comme on se plait parfois à nous dire, façon discussion de comptoir entre un “il faut beau aujourd’hui” et deux “tous pourris“.
Jean-Marie Rouart non seulement s’y essaye mais de surcroît, réussit avec brio son exercice d’humeurs quotidiennes dans un son livre au titre évocateur : “Devoir d’Insolence“. Un ouvrage entouré d’une papillote de libraire déclamant comme un poing levé « Une année de sarkozysme absolu ». Inquiète tout d’abord d’y trouver les aigreurs d’un ancien de la vieille droite appréciant peu d’être secoué par notre super-président, je dois avouer que j’ai commencé à tourner les premières pages avec circonspection… Pour immédiatement plonger avec délice dans ce bain d’observations pertinentes menées par un écrivain doué de capacités certaines en matière d’ethnologie sociale et politique française.
« Devoir d’insolence » est une chronique à la fois enlevée et réfléchie d’un esthète qui a l’intelligence de savoir écrire sur tout, et d’une double manière qui montre toute la sagesse d’une maturité éclairée : Des notes plutôt courtes rédigées sur le vif, mais où l’on ressent la profondeur de celui qui aime à réfléchir sur tout, et tout le temps, et dont le jugement ne souffre pas des paradoxes si chers à notre Intelligentsia actuelle.
De Septembre 2007 à Mars 2008, Jean-Marie Rouart brosse le portrait d’une actualité française sous la coupe de la politique, où l’on ne cessera de voir apparaître dans toutes les polémiques, les débats et les nouvelles du jour l’ombre de Nicolas Sarkozy. Parfois avec mordant, parfois avec ironie, souvent avec calme et sans précipitation, on ne peut s’empêcher d’adhérer aux pensées de cet Académicien qui plonge sa verve sans réserve dans l’acide et le sucré-salé.
Des moments de bonheur, « Devoir d’insolence » en est truffé. Dix fois, j’ai dû m’arrêter de lire pour rire de bon cœur et surtout lire à voix haute des passages irrésistibles à toux ceux qui m’entouraient. Menée par une écriture pure et jetée sans lourdeur aucune, cette chronique de la France nous mène des paradoxes de notre temps aux tragédies quotidiennes. Et partout, on se souvient de ces moments, de ces journées, de toute cette actualité qui nous revient soudain en mémoire avec clarté.
Jean-Marie Rouart réussit l’exploit de faire un travail d’historien dans un passé-présent où l’on retrouve à la fois la vivacité d’un homme d’esprit habitué à la politique sans verser dans la langue de bois, et l’émotion de l’écrivain touché en plein cœur par tous les petits incidents de parcours d’un peuple qui lui est cher. Un ouvrage personnel certes mais dans lequel on se retrouve tous, et où l’on retrouve tous les petits moments et les sentiments qui nous ont agités à chaque fois que l’Académicien a pris sa plume.