Bref, une fois encore chez Djian, la vie ne fait pas de cadeau. Les personnages en sortent-ils toujours grandis ? On ne sait pas vraiment, mais le lecteur, lui, tire toujours quelque chose de ces histoires pleines d'images fulgurantes, de pureté et de violence. Le roman de Djian parle des imprévus de la vie, de ces fossés qui se creusent sans prévenir, même sous les pieds les mieux établis. Il parle aussi du fardeau de la génération précédente, celle des cinquante-soixante ans, obliger de gérer de plus en plus tard, la vie de hordes d'adulescents irresponsables, leurs enfants, égoïstes, égocentriques, capricieux et gâtés.
Le combat quotidien
Impardonnables dit aussi la nécessité de se protéger, à un certain moment, dans un monde de plus en plus chaotique et imprévisible. Car au-delà du style - rhétorique chère à l'auteur que l'écrivain brandit régulièrement pour se protéger - Djian est aussi un écrivain à idées. Les petits riens auscultés à la loupe sont ici autant de tableaux qui parlent de notre époque tourmentée.
L'histoire du roman, elle, se joue comme souvent chez Djian en coulisses, dans les trous du récit. Entre les chapitres. Ce qui n'est pas dit en révèle bien plus que ce qui est écrit noir sur blanc. C'est tout l'art de l'ellipse dont use et abuse ce grand écrivain français. A la manière d'un Raymond Carver, d'un Bukowski ou d'un Martin Suter, Philippe Djian tend à démontrer ce que la vie au quotidien peut avoir d'extraordinaire. Combien elle contient de trésors, de moments qu'ils faut savoir capter, garder et protéger faute de passer à côté de l'essentiel. C'est, encore une fois, la leçon inestimable de Philippe Djian. Et elle vaut pour toutes les générations.
Philippe Djian, Impardonnables, Gallimard, 2009.