C’était en 1899, le jeune explorateur suédois Sven Hedin, dont les exploits font frissonner les écoliers autant que les lecteurs du Times, tente l’inconcevable : traverser le Takla-Makan en descendant le fleuve Tarim dont les eaux se perdent dans le désert du Lob Nor, à la sombre réputation, aux marécages hantés de diables et de démons.
Une femme sur la route de la soie
À peu de choses près, le train chinois doit naviguer à une vitesse identique à celle de l’embarcation de Sven Hedin, hors rapides s’entend. Le désert du Gobi Noir défile sous mes yeux au rythme du train, mortellement monotone. Ce train lent où le temps
dure infiniment plus longtemps et oblige au rêve. Là-bas, au-delà de ce morne horizon gris-rose piqué de plates touffes noires et de petites collines coniques, s’étend le désert de pierres du Lop-Nor et puis celui du Takla-Makan, l’un et l’autre de terrible renommée.
«Lorsque les vents se lèvent, relate un voyageur chinois du VIIe siècle, hommes et bêtes perdent l’esprit et restent plantés là, totalement impuissants. On entend alors par moment des notes tristes et plaintives, des cris pitoyables, de telle sorte qu’entre les visions et les bruits du désert, les hommes se sentent perdus et ne savent plus où aller. D’où le fait que tant de gens périssent au cours du voyage. Mais tout cela est l’œuvre des démons et des mauvais esprits» ( Chine barbare de Christine Nilsson) . Aujourd’hui, les démons du Lop-Nor sont tout aussi réels, mais ils ont troqué leurs masques pour un autre, plus terrifiant encore : c’est en ce lieu isolé que le gouvernement chinois expérimente l’atome, et peut-être même y est-il stocké, en cette zone interdite, à mille lieues d’ici.
Je dois virtuellement être au centre de l’Asie, dans ce train qui pénètre maintenant, au rythme de son souffle lent et monocorde, le cœur des régions barbares de l’ex-Turkestan chinois, aujourd’hui Xinjiang. Ici, la mer est plus éloignée que partout ailleurs dans le monde et tout n’est qu’immensité et solitude. Les massifs ruiniformes évoquent l’aube de l’humanité et les déserts lunaires et chaotiques sont parsemés çà et là d’étranges arbres-sculptures qui paraissent avoir été plantés par un dieu fou qui devait s’appeler Folon.
Le Huang Shan (littéralement : la montagne jaune) est un massif montagneux de l'Anhui méridional, province de l'est de la Chine. La région est connue pour sa beauté, qui repose sur la forme des pics de granite, sur celle tourmentée des conifères, et sur les nuages qui entourent fréquemment le massif.
La région abrite également des sources d'eau chaude, et des sources minérales qui alimentent des piscines naturelles.
Pour un Chinois, les contrées à perte d’horizons qui s’étendent au-delà de la Grande Muraille sont le Monde Barbare. Celui des steppes de Gengis Khan, du terrible désert du Takla-Makan. Une autre Chine où Bouddha se décline avec Allah,
où les sables du désert se meurent en volutes glacées dans les neiges du Pamir.
CHINE BARBARE
Christine Nilsson
30 €, 167 pages
Edition Harfang